I want you to hold out the palm of your hand (storyboard) racisme intériorisé Merilyn, c’était la petite assise au deuxième rang avec ses lunettes rondes et ses deux petites couettes, celle qui connaissait les réponses mais ne levait pas la main, celle qui avait la boule au ventre dès qu’elle devait prendre la parole en classe. Merilyn, c’était le bébé de la famille, arrivée treize et quatorze ans après ses aînées. Merilyn, le bébé surprise que personne n’attendait mais qui a été traitée comme une petite princesse. Enfance heureuse dans un foyer qui cherchait encore ses marques. Fille de parents immigrés à l’anglais teinté d’un accent d’ailleurs, aux papiers administratifs comme épreuve quotidienne. Il y a eu pendant un temps, un rejet de cette culture chinoise, de ces lunchboxes que les autres appelaient bizarres. Elle ne voulait pas être bizarre, Meri, elle ne voulait pas faire de vague, pas se faire remarquer. Sauf que ses traits asiatiques la trahissait, son nom aussi et sur sa carte d’identité, elle ne pouvait nier ce deuxième prénom écrit noir sur blanc : Chun Hua. Ça la complexait beaucoup qu’elle soit la seule sur trois enfants à avoir son nom chinois sur sa carte alors que ses grandes soeurs n’avaient que leur prénom anglais. En plus de ça, sans réellement essayer, Merilyn était dans les premières de sa classe, une raison de plus de croire à tous ces clichés. La gamine voulait se fondre dans la masse alors elle passait son temps à dessiner partout, tout le temps : dans ses marges de cahier, sur les sets de table du restaurant, dans le sable, à la craie sur les trottoirs devant sa maison. Des gribouillis, parfois on reconnaissait des animaux ou des visages familiers mais c’était bien loin d’être du grand art. À défaut de savoir où était sa place dans le monde, elle s’inventait le sien.
(character design) Elle a fini par s’y faire, à cette différence. Minorité qu’elle revendiquait un peu plus, avec moins de gêne. Cette nouvelle confiance en elle venait de huit autres gamin.e.s, des personnes avec qui Merilyn ne se voyait pas forcément sympathiser et qui, pourtant, lui avait donné un sourire presque permanent. Elle riait plus, Meri, elle s’autorisait à prendre plus de place. Certains disaient qu’iels étaient bizarres et peut-être bien que c’était le cas mais iels étaient tou.te.s bizarres ensemble. Dire qu’elle a trouvé sa place dans le monde serait a big statement mais l’idée de naviguer le monde (ou au moins la ville d’Oceanside) ne lui semblait pas aussi terrible si elle avait cette petite bande à ses côtés. Toujours fourré.e.s ensemble, iels formaient un mélange étrange de personnalités, d’humour parfois douteux, d’un brin d’intelligence questionnable avec une énergie chaotique indéniable. Meri avait développé pour ce petit groupe une affection particulière, elle parlait d’elleux à la maison sans arrêt (« Pippa a copié mon devoirs de math mais j’avais déjà copié sur Rory. Bref, on a eu un C-. » ou « Haneul a une nouvelle copine, je crois mais je suis pas trop sûre. Peut-être qu’il est pas sûr non plus. On a parié qu’elle resterait pas plus d’un mois. J’ai dit une semaine, moi. » ou encore « Aïe ! Mais outch ! Laisse-moi, maman ! Touche pas à mon visage, c’est Bora qui m’a maquillée ! Comment ça je ressemble à un clown ?! ») et iels se retrouvaient de plus en plus sur ces gribouillis qu’on identifiait mieux. Cette manie de griffonner tout le temps n’était pas partie, elle n’avait fait qu’être plus présente. Sketchbook en permanence dans son sac, Meri râlait chaque fois qu’elle l’oubliait à la maison. Elle dessinait tout et n’importe quoi : les oiseaux, le parc, Rory, Pippa qui dort, son bureau pas rangé, ses soeurs, Rory, le couché de soleil sur la plage, les paquets de chips froissés sur la table des parents de Haneul, les arbres en automne, les passants dans la rue, Rory, le petit chien croisé au café, Bora qui cherche une tenue avant de sortir, encore Rory. Peut-être bien que la petite avait un petit gros coup de coeur pour son ami d’enfance.
(clean sketch) L’été avant la terminale, quelque chose d’inattendu s’était passé. Rory avait embrassé Meri. Ils avaient passé les derniers jours avant l’été à deux, à réinventer un monde ; Rory balançait ses idées les plus insolites pendant que Meri devait lui dire d’y aller moins vite pour qu’elle ait le temps de faire des sketchs. Des rires complices, les fesses sur le sable, des pages du carnet de Merilyn noircies avec des créatures humanoïdes, un couché de soleil, un regard, quelques secondes de silence lourd et puis, leurs lèvres s’étaient touchées. Le coeur de la gamine s’était emballée, avoir imaginé la scène cent fois ne l’avait pas préparée à ces battements saccadés. Quand le baiser s’était terminé, ils avaient simplement souri avant de rire, tous les deux un peu gênés. Le lendemain, c’est main dans la main qu’ils allaient retrouver le groupe. Meri ne savait pas si c’était une surprise, si tout le monde s’y attendait parce que bien qu’elle ait fait de son mieux pour cacher ses sentiments, on ne pouvait pas dire que la discrétion était l’un de ses points forts. L’été est passé comme ça, Meri avec Rory, Rory avec Meri, en train de se tenir la main, de se faire des câlins, de glousser à leurs petites inside jokes. Une romance d’été presque parfaite sauf que … Ils ne s’étaient plus embrassés depuis la première fois. Merilyn n’osait pas initier le mouvement et apparemment, Rory non plus. D’une étrange façon, ça l’arrangeait bien. Le début de l’année, c’était toujours main dans la main qu’ils arpentaient les couloirs du lycée. Lorsqu’elle admirait Rory de loin, Meri se souvient qu’elle avait des papillons dans le ventre, qu’elle s’imaginait des scénarios digne d’un film à l’eau de rose mais avoir Rory, là, juste à côté d’elle, ça lui apportait un certain calme, un réconfort familier. Elle aurait probablement pu continuer comme ça longtemps. Sauf que les différents clubs, les dissertations, projets et autres devoirs rendaient leurs rendez-vous plus compliqués à organiser mais aucun des deux ne faisaient vraiment quelques choses pour y remédier, la relation s’étiolait de jour en jour. Meri n’était plus certaine de ses sentiments, pas réellement certaine que ceux-ci aient vraiment été amoureux, en fait. Elle ne voulait pas perdre Rory mais elle devait se rendre à l’évidence que cette relation ne fonctionnait pas. La boule au ventre, quelques sms échangés et en moins de dix minutes, tout s’était arrangé. Amis, meilleurs amis même, c’était ce qu’ils étaient et ce qu’ils avaient toujours été. Rory la remercia de l’avoir largué avant sa demande pour le bal de promo, sinon ça aurait pu être gênant. Merilyn le remercia de ne pas avoir fait de demande en public, ça aurait été embarrassant qu’elle doive lui dire non. Meri le blâma pour son premier baiser nul, il la pointa du doigt pour ce premier amour qui laissait à désirer. Un ping pong de sms pour reprocher à l’autre les choses les plus absurdes de leur relation amoureuse en carton. Ils avaient décidé d’en rire plutôt que d’en garder des souvenirs teintés.
(inking) accident, deuil, décès Son coeur s’était arrêté quand on le lui a appris. Elle lui avait pourtant envoyé quelques messages précédemment, il les avait lu mais n’avait pas encore répondu. Elle n’y avait pas pensé plus que ça, c’était loin d’être urgent, c’était pour parler du dernier Spiderman au cinéma. Elle n’arrivait pas à y croire. C’était les jambes tremblantes qu’elle saisit les clés de sa voiture pour se rendre à l’hôpital sauf qu’avant qu’elle n’ait pu sortir de l’appartement familial, son père lui prit le trousseau des mains. C’était hors de question qu’elle conduise dans un état pareil. Regard apeuré qui scannait la pièce des urgences en quête d’un visage familier, Meri éclata en sanglot dès qu’elle vit le reste de la bande. Des heures à faire les cent pas, à s’asseoir, se relever aussi tôt, à croiser puis décroiser les jambes. Elle avait l’impression d’être restée dans cette salle d’attente pendant des années. Quand on les autorisa enfin à entrer (« Maximum deux personnes ! » avait dit l’infirmière très fermement d’un ton menaçant), Merilyn se précipita au côté de Rory, manquant de peu de s’étaler de tout son long sur le sol de la chambre d’hôpital. La main de Rory dans la sienne, les larmes partout sur le visage, la morve au nez et la voix tremblante, Meri avait juré qu’elle arrêterait de le charier sur leur relation passée s’il se réveillait. Elle promit de ne plus parler de leur premier baiser gênant et d’arrêter les blagues sur ce "premier amour" raté. Elle voulait simplement retrouver son meilleur ami, peu importe si elle devait se retenir de lui rappeler ses trop nombreux moments peu glorieux, peu importe si elle devait subir ses blagues à longueur de journée. Elle voulait entendre sa voix, son rire, revoir ses expressions faciales, lui taper l’épaule en lui ordonnant d’arrêter de bouger pendant qu’elle le dessinait. Elle voulait le prendre dans ses bras. Mais Rory était toujours là, les yeux fermés, le visage tuméfié et le corps inerte. Inconsolable, la gamine passait des heures à son chevet, à pleurer silencieusement jusqu’à l’épuisement. C’était un des parents, ses sœurs, une personne du groupe ou même les infirmières parfois qui venaient lui annoncer que les heures de visite étaient terminées. Avant de partir, elle promettait tous les jours, sans faute, de revenir le lendemain. Et elle le faisait. Tous les jours, sans faute.
Et puis,
c’est lui qui n’était plus à l’heure du rendez-vous.
Cette partie est floue. Merilyn se souvient qu’elle a beaucoup pleuré dans les bras des autres, qu’on lui a octroyé plus de câlins que d’habitude, qu’elle parlait moins, que le monde était un peu plus gris, que tout lui rappelait Rory.
Ça a été compliqué mais maintenant, iels étaient tou.te.s marqué.e.s.
9 sur l’avant-bras droit.
À Rory.
(colors) Ça a été compliqué mais la vie a repris son cours. Il a fallu que Meri aille à l’université, même si c’était la dernière chose dont elle avait envie. Elle a commencé un compte Instagram (@merichristmas), à ce moment-là, pour poster ses travaux de cours, ses petites tranches de vie sous forme de BD parce qu’elle s’était enfin décidée ; l’illustration, les bandes dessinées, c’était ce qu’elle voulait faire. Elle a utilisé cette page comme exutoire pour parler de deuil (sans aucun détail, sans mentionner de nom) ou d’être une second gen immigrant avec une couche épaisse de second degré, alimenté par l’univers hyper coloré de Meri. Et ça faisait du bien de voir que quelques personnes pouvaient se retrouver dans ces petites histoires, pas beaucoup mais quelques unes. Après avoir obtenu son diplôme, Meri s’est un peu retrouvée sans réellement savoir quoi faire, sans réellement savoir quoi dessiner, quoi raconter. Les posts étaient toujours réguliers mais l’engagement qu’ils généraient était loin de ce qu’on pouvait appeler viral. Alors elle a fait ce que n’importe quel.le adulte de son âge aurait fait, elle a vendu des photos de pieds. Enfin, elle a essayé mais après une semaine sans demande, elle a laissé tomber. Elle n’a eu d’autre choix que de faire l’autre chose que n’importe quel.le adulte qui n’est pas assez smart pour vendre son corps fait ; elle s’est pris un job alimentaire nul. « Bonjour, vous avez besoin d’aide ? Non ? N’hésitez pas si vous avez besoin d’une taille ou d’un modèle en particulier ! » qu’elle répétait sans arrêt, à longueur de journée, dans cette boutique Abercrombie&Fitch mal éclairée, au parfum nauséabond et aux mannequins à moitié nus. Elle n’en pouvait plus. Elle avait demandé une réunion d’urgence dans leur bar préféré. Elle avait besoin d’un verre … ou de plusieurs. Les joues en feu, le regard trouble, elle n’a aucun souvenir de qui avait lancé l’idée mais c’était parti, le projet était lancé par un enthousiasme collectif trop alcoolisé. Étonnement, les choses s’étaient réellement concrétisées et rapidement, en plus (pas comme ces vacances en Europe dont iels parlent chaque année et qui n’arrivent jamais). Retropolis Arcade voyait le jour et Meri avait décidé de quitter son job de vendeuse, de vivre de l’arcade et des quelques commissions qu’elle arrivait à avoir. Est-ce qu’elle se nourrit uniquement de pâtes en fin de mois ? Oui, totalement. Est-ce qu’elle le referait ? Sa raison a envie de dire non mais étant une personne influençable, elle sait qu’elle suivrait ses idiot.e.s préféré.e.s n’importe où.
Voilà où elle en est, maintenant, derrière le comptoir du bar à dessiner les gens qui l’entourent, à imaginer une histoire stupide pour son prochain post Insta, à s’entraîner pour enfin avoir le meilleur score sur absolument toutes les machines (on n’en est loin, no gaming skill whatsoever la petite) ou à expliquer comment fonctionne tel ou tel jeu aux nouveaux arrivants. Si elle n’est pas à l’arcade et chez elle, dans son appartement partagé avec ses meilleur.e.s ami.e.s, c’est qu’elle s’est perdue quelque part à Oceanside.
Littéralement. Même Google Maps ne peut la sauver.
Aidez-là.
i’m just a baby ; overthinker or head empty no thought ; plant fairy, she can save any plant ; pink pink pink everything ; short skirts, long dresses, normal-length shorts, no trousers ; undiagnosed adhd probably ; wants to be an early riser but is a night owl ; keeps track of how many times she cries in a month ; keeps track of how many dates she has each month ; kinda a control freak ; but also very impulsive and spontaneous ; she’s a 10 but she’s chaotic, intense and dramatic ; that one annoying friend who sends a dozen vocal messages instead of a single text ; hates being late but is late anyway ; pilates and stretching ; asks for food on her tinder bio ; coconut milk matcha lattes ; gold jewellery ; floral print ; stops every single time to say hi to all the dogs!! ; drinks too much ; super fast texter ; the one that looks cute when angry ; messy lovelife ; not so successful comic book artist ; food is her love language ; says she can cook, she can’t (eh, nobody died yet so…) ; too many exclamation points!!!! ; golden retriever energy ; will remember that one time you made a joke about her and she didn’t like it. yes, fuck you, jessica from 3rd grade ; remembers all the birthdays ; bubble tea addict ; lactose intolerant cheese lover ; makes the best cookies ; either the smartest or has two neurones working, there’s no in between ; that friend who takes pictures of the food at the restaurant for her instagram stories ; will help you hide a body.