((ellie)) - memoria.

cœur meurtri qui se pose sur ce liquide rougeâtre coulant entre ses jambes. pas un mot ne s'extirpe de ses lippes ; il n'y a que le silence pour témoigner de sa douleur et les quelques larmes qui peinent à se dévoiler. une lame de plus qui s'implante dans la poitrine, un espoir qui s'envole de nouveau. quatrième perte qui s'ajoute au tableau ; le corps ne suit plus, les jambes lâchent et tout s'écrase finalement sur le sol gelé. —
le calme morbide finit par s'éteindre face aux cris ; la détresse qui brûle les poumons, l'incompréhension qui embrume l'esprit. une étreinte pour essayer de calmer la douleur, routine morbide qui ne cesse de revenir ; la maternité comme objectif, la maladie comme ennemie. corps incapable de procréer naturellement ; trop fragile, trop fatigué, trop abîmé. endométriose qui étend son pouvoir ; confiance donnée aveuglément à la médecine, dernier recours pour sentir la vie grandir au sein d'un corps incompatible. —
et les piqûres s'enchainent, tailladant un peu plus ce ventre qui ne demande qu'à accueillir ; les rendez-vous s'accumulent, fatiguant toujours plus ce corps fragilisé... les mois passent, jusqu'à devenir des années et toujours rien de plus que les mêmes pleurs du début, les mêmes angoisses et peines... jusqu'à ce que la deuxième barre ne s'affiche enfin, au milieu des vomissements et des maux, redonnant un nouveau souffle, un nouvel espoir, à cette femme aux multiples cicatrices enfouies.
neuf mois. neuf mois de nouvelles angoisses ; à la moindre douleur, à la moindre perte de sang, cette même peur de perdre cet enfant. examens sur examens, échographies sur échographies ; soulagement quand l'ouïe s'imprègne des battements de cœur de cet être en développement. et vient enfin la délivrance bercée sauvagement par cette douleur intense. — et le premier cri, le premier regard, le premier contact. des années à l'attendre, des mois à la porter et toute une vie pour l'aimer, cette fille, la seule que la vie daignera lui accorder... ellie.  

— gamine solaire, aux rictus en apogées, au rire si particulier ; inarrêtable aventurière, de celles qui ne pleurent jamais, qui se relèvent sans hésiter, sans rechigner. gamine que l'on gâte, chérit sans barrières, mais qui pourtant ne cesse de donner, d'aider sans jamais rien demander. mais, gamine qui s'ennuie souvent, seule avec son imagination, ses jouets. se rapproche très vite de sa famille, de ceux qui partagent son sang, son nom, trouvant refuge auprès d'eux, comme les frères et sœurs dont elle rêve en secret. —
les mirettes toujours rivées sur l'extérieur, lunatique enfant qui rêve d'explorer plus que d'étudier. peine à s'intégrer, la bouche scellée par la timidité. toujours seule dans cette immense cour de récré ; pose tout à coup les yeux sur un autre minois solitaire et dans un échange de sourire, la timidité s'envole, comme si tout était écrit, comme si elle était destinée à combler ce vide ; laurel. une amitié sans pareilles, de celles que l'on veut éternelles ; partner in crime, ellie vit à ses côtés ses premières frayeurs, ses premières douleurs, ses premiers interdits.
les hormones adolescentes en émoi, elles se cherchent, s'attirent sous fond d'alcool et de drogues... jusqu'à ce qu'elles ne craquent, les lèvres scellées, les mains baladeuses, l'intimité brûlante. et dans cet élan charnel, ellie découvre que son cœur peut s'ouvrir aux deux sexes, mais qu'il n'est pourtant pas prévu pour laurel. amitié qui résiste à cet écart, duo qui se veut inséparable. s'enchainent les relations d'un soir, le cœur incapable de s'attacher définitivement ; trop frivole, amateur de nouvelles expériences. laurel toujours à ses côtés, ellie s'amuse ; insouciante, le danger loin de la psyché, elle enchaîne les aller-retour à l'hôpital ; membres cassés, foulés, mauvaises réactions à certaines substances ; proche des excès et de la fatalité, elle ne s'est pourtant jamais sentie aussi vivante.
— majorité atteinte, elle s'empresse de prendre son indépendance, flânant dans les rues pour trouver un premier emploi lui permettant de s'envoler définitivement loin du cocon familial. et, aidée par keeley, trouve un emploi saisonnier dans un café qui se transformera en contrat à durée indéterminée ; safe place trouvée, une famille plus que des collègues, elle aime son métier, son quotidien, sa vie sans savoir qu'il y débarquera pour tout bouleverser.    

tandis qu'elle nettoie le comptoir tacheté de quelques traces de café, la mélodie d'un carillon résonne dans la pièce. elle relève le visage, armée de son sourire habituel pour saluer machinalement ce nouveau client. sans savoir réellement pourquoi, son cœur s'emballe à chaque nouveau pas de cet inconnu en sa direction — un échange, une commande et quelques plaisanteries suffisent à lui extirper un sourire satisfait. — elle ne demande rien à son sujet, le laisse simplement s'éloigner pour s'installer sur une table plus loin. et, comme attirée par cet aimant, ses yeux ne cessent de se poser sur lui. sur ses cheveux ébouriffés, sa barbe mal taillée, sa prestance. aucun nouveau mot ne vient briser la glace, les regards se mêlent parfois, les rictus s'affichent mais l'inconnu passe de nouveau la porte avec un simple au revoir et elle le regarde s'éloigner dans les ruelles, persuadée de ne jamais le revoir, comme un songe passager, un espoir envolé —
et pourtant, les jours passent et il revient, le même sourire aux lèvres, la même attention pour elle sans jamais passer la limite de la relation serveuse/client. elle en vient à connaitre son horaire, ses habitudes de commande, qu'elle tente même parfois de préparer à l'avance pour le surprendre — replace ses cheveux à son approche, passe pendant ses jours de repos en prétendant avoir oublié quelque chose rien que pour le croiser, s'empresse de trouver une nouvelle blague pour illuminer chaque journée et espérer entendre son rire — remarque soudainement son alliance mais ne pose aucune question, effrayée par le fait de ruiner cette attirance, cette osmose, cette ambiance en posant une question trop personnelle. — elle ne peut se rapprocher de l'inconnu, bien trop respectueuse de sa possible relation mais s'empresse pourtant d'essayer de briser ses chaînes afin de continuer à entretenir ce brin d'espoir d'une vie meilleure, entourée de cette aura délicieuse qu'il dégage, espérant que jamais cela ne prenne fin.

elle aurait aimé avoir un métier plus prestigieux et mieux payé, mais n'a jamais eu la patience d'apprendre et de se lancer dans de longues études — incapable de démarrer sa journée sans une tasse de café, dépendante de cette substance réconfortante qui lui permet de se réveiller — elle a développé la phobie des médecins spécialisés dans la gynécologie, la fertilité et crains de souffrir de la même maladie que sa mère — elle est maladroite et casse au moins une chose chaque semaine  — elle pourrait chiner des heures entières, adepte de la seconde main — elle a appris le piano en autodidacte ; il n'y a que dans les arts qu'elle arrive à vraiment se concentrer, mais cette particularité n'est partagée avec personne ; trop peureuse à l'idée de jouer devant autrui  —